Montée de «laid»

Se révéler à soi-même…

Je voulais me dévoiler pour qu’on rie ensemble, Ha! Ha!, mais je suis animée par l’entrevue de Mathieu Bock Coté, d’hier, à Tour le monde en parle… Faqu’euh, je surligne tous ses mots…

Froissement des sensibilités – Censure – Création de paria – Tendance lourde à la controverse – Suspension – Réseaux sociaux – Tribunal public – Exaspération – Multiplication des injures – Liste des théories des interdits – Hystérisation de la parole publique – Culture de l’auto-censure – Raser les murs pour ne pas se faire vomir dessus, des injures – Adhérence au cercle de la respectabilité – L’analyse des gens par des arguments olfactifs; il est sulfureux, elle est nauséabonde – on est’tu vraiment rendu-là – Le droit de citer le titre d’une œuvre littéraire de Pierre Vallières, Nègres blanc d’Amérique sans se faire traiter de raciste – Campagne de lynchage – La Loi 101 contribuerait au racisme systémique – chus raciste en viarge d’abord – L’anglicisation du Québec qui n’est pas grave qui serait un beau, beau, beau principe d’inclusion; mon cul, criss, si tu m’accueilles chez vous, la moindre des choses c’est que je vais apprendre les mots de ta langue pour te dire «merci»… Oh! J’en entends déjà dire: «Ouais, pis toué, tu sais’tu parler Premières Nations???» B’en c’est sûr que non, y’en a onze langues câlvasse!!! Pis quand mes ancêtres ont débarqué sur le territoire v’là 400 ans, parce qu’eux’z’autres aussi rêvaient d’un monde plus beau que la France pour leurs ambitions, qui rêvaient de nouvelles aventures, d’un monde plus grand, b’en y’z’ont peut-être appris la langue des peuples d’ici en arrivant, pour se débrouiller, mais y sont pas parfaits, pis la mémoire est une faculté qui oublie, faqu’ils ont oublié de nous transmettre leur savoir, mais je sais dire Tshinashkumitin en Innu ou Mikwetc en Atikamekw, c’est déjà un bon débutY’a AUCUNE raison de permettre l’anglicisation du Québec au nom de l’inclusion, ce serait de manipuler la bonne conscience plutôt que de préserver la culture identitaire des Québécois.es... – Être d’accord, n’être pas d’accord – Être woke = thème américanisé qui voudrait dire avoir une hypersensibilité envers le sort des minorités – Monopole du bien et du mal – on est’tu en train de créer vicieusement, au nom d’une «morale avancée», une secte civilisée de monde qui se dit «éveillé» dont leur seul but est de «confisquer la parole publique»? (entre guillemets; les mots de Mathieu Bock Coté) – Désaccord civilisé – Dany qui devrait carrément se taire, qui fait son baveux au nom de son propre égo, par sentiment probable d’infériorité quant à la maîtrise de l’art du discours de monsieur Bock Caron, une rhétorique éloquente – Réduction des individus à leur couleur de peau, même le «blanc» qui n’est même pas une couleur, mais un champ chromatique d’une forte intensité lumineuse qui est associé à un privilège – les francophones hors Québec, v’là une centaine d’années, dans les écoles, ce n’était pas à cause de la couleur de leur peau qu’ils se faisaient taper les doigts à coup de règle de bois, donner la strap ou se faire humilier, séquestrer, priver de nourriture, mais juste parce qu’ils parlaient français

Non, mais on peut’tu prendre notre osti’d’gaz égal!!!!!!!!!!!!

https://ici.radio-canada.ca/tele/tout-le-monde-en-parle/site/segments/entrevue/212491/guy-lepage-bock-cote-livre-controverse

Nous, on a le temps…

J’ai l’air de faire la tirade du regard au sourire masqué, absent ou soutenu des passants de la rue, mais il n’en demeure pas moins que ce que nous vivons tous, cette pandémie planétaire, à quelques degrés de mesure d’intensité différente, nous permet de se révéler à nous-mêmes. Les enseignant.e.s, les infirmier.e.s, les préposé.e.s, les commis d’épicerie, les facteur.trice.s, les médecins, et j’en passe, tous ceux et celles que papa Legault a longtemps surnommés les «anges gardiens» qui n’ont pas arrêté depuis le vendredi 13 mars dernier, qu’ils attendent encore les vacances de la construction pour prendre un p’tit break de rien, qui voudraient b’en pas s’en foutre de l’Halloween ou de Noël, mais y’ont pas l’temps d’chialer comme nous’z’autres parce qu’ils en ont plein l’masque des patients à brancher sur les machines respiratoires, les hospitalisations, les tests; les enfants en classe plus anxieux que jamais, qui ont six mois de retard dans leurs apprentissages pis qu’il faudrait tous les mettre au même niveau avant les Fêtes; les désinfectants pour les mains, la papier cul, la farine, le fromage bleu (!?) qu’il faut perpétuellement remettre sur les tablettes, recommander, refaire le facing, aviser le client d’une rupture de stock; les vieux dans les CHSLD à laver, rassurer, accompagner, changer les draps du lit de leur mort; tous ces «anges gardiens» quant à eux, n’ont probablement pas eu assez de temps pour se voir autrement que ce qu’ils ou elles ont toujours été à travers ce qu’ils ou elles faisaient depuis le début de leur carrière. Mais les autres comme moi, ou peut-être comme vous, les suspendus dociles de leur vie, t’sais les petits fantoches agités par les fils de l’incertitude de ce qui nous sera ou ne nous sera pas permis de vivre, de faire, d’être demain, manipulés par un ventriloque intérieur qui répète sans cesse ça va bien aller, ça va être toffe, mais on va passer à travers, b’en nous’z’autres, on a le temps de se révéler à nous-mêmes.

Tiens… On dévoile demain?… On va rire…

Passe-moué la puck pis j’vas compter des buts

On s’entend’tu pour dire que c’est pas comme si ça paraissait pas que je te faisais un show de Riverdance en souriant jusque dans le poil de mes sourcils. Que ce dit-passant détourne le regard, c’est de l’ignorance intentionnelle et c’est très violent. Je comprends que ça y tente peut-être pas d’être une Mère Thérésa des relations humaines, mais un petit hochement de tête n’a jamais causé de céphalée de tension à ce que je sache, câlvasse! Le genre de langage universel. Un p’tit hochement de tête d’une demi fraction de seconde qui dit: je-te-salue-je-t’ai-vu-la-preuve-que-t’existes-parce-qu’à-la-longue-c’est-plate-de-se-regarder-la-face-dans-le-miroir-de-nos-solitudes-faqu’euh-passe-une-belle-journée-là. Que tu me hoches la tête en anglais, en chinois, en arabe, en créole, c’est le même osti’d’hochement de tête universel!

L’ignorance intentionnelle déclenche instantanément de l’anxiété chez l’interlocuteur. Le cerveau, comme l’explique Guillaume Dulude dans son ouvrage (que je transpose ici, dans mes mots), en période d’éveil, est en perpétuelle quête d’apaisement! C’est comme si le flux d’information fourni par notre environnement était en permanence, une pratique des joueurs du Canadien au Complexe sportif Bell de Brossard. Tous les codes, les symboles captés par nos sens sont comme une série de puck que ton contexte environnemental te shoot dans le corps dans le but de t’informer d’un possible danger ou d’un agent rassurant. La job du cerveau, c’est de se prendre pour Carey Price dans une bonne saison. De jouer au gardien de but de ce qui passe ou passera pas comme information dans ton corps. Dépendamment de yousse qu’y’a arrêté les codes ou les symboles envoyés par ton environnement; son gant, sa mite, ses padds de genoux ou ses épaulettes, il va stratégiquement remettre la puck sur la glace pour que la partie continue à son avantage, que tous les joueurs qui constituent ton corps-équipe se mettent en place pour soit te faire fuir, figer, foncer ou flairer le bon du mal. C’est long une game de hockey, mais quand ton cerveau est din’buts, ça va vite en tabarnache!!

La nuit, Carey dort, c’est pour ça qu’on fait des cauchemars. Le gardien de nos pensées a retiré son accoutrement paddé, sa mite, son gant, son casque, ses épaulettes; le filet est désert. Y’a des tirs au but sans arrêt. Tout ce que notre cerveau avait retenu comme information, mais qui n’avait pas cru bon de nous le relayer dans le corps, nous rentre dedans. Sans compter l’insomnie qui se prend pour un coach de l’équipe des Timbits de St-Léonard pis qui nous force à patiner à trois heures du matin, sua’glace comme si on venait de boire huit cafés noirs pas d’sucre-pas-d’lait-pas-d’crème…!

…Parlant de café…. Y’é tard… Je vais aller m’en faire un avec toi…

À demain… Je t’aime.

En dansant, au pire

Y’a quand même du monde qui vivent des vies parallèles à la nôtre. Y sont comme assis, confortablement, dans des charrettes remplies de convictions tirées par un attelage d’idées biaisées qui ralentissent en esti l’trafic des ceuzes et celles qui souhaiteraient bien les dépasser sur ces chemins de société plutôt campagnards, balisés de clôture de principes. Pas besoin d’énumérer tout c’te monde-là dont je parle, qui finissent en «iste», ce ne sera pas nécessaire, le café va refroidir à perdre notre temps, je vous fais confiance, il vous vient certainement à l’instant, une anecdote d’un Ti-Jo Rinfret qui se complait dans ses petouffes en fantex tricotées serrées de ses pensées arriérées (et dire que le tricot revient à la mode). Je parle de ceux et celles que le regard dont on parlait hier, au-dessus de leur housse de protection du visage, au lieu d’être un dialogue qui pourrait désserrer l’étau de nos solitudes collectives, est un tombeau vide dans lequel nos bienveillances se meurent. Tu marches dans la rue, le sourire en élastique derrière ton masque, aussi étiré qu’une slackline entre deux érables, les joues gonflées comme les réserves gourmandes d’un gros hamster qui te remontent les pattes d’oie, plissées en accordéon, ton regard se met instantanément à giguer sur des rigodons de bonnes intentions, t’sais, c’est l’party de La Famille Soucy à Noël chez Isidore dans tes yeux, c’est clair, clair que tu dis, viens’t’en dude, que je te swing la compagnie en passant, le temps d’un regard qui veut dire Bonne journée toi’là, prends soin d’toué, ta santé au milieu, la patience autour, un p’tit crochet et on tape des mains… euh, on tape du coude…..», pis lui, le dude en «iste» au regard absent, il détourne les yeux…. Il «détourne» les yeux….

Le set carré tourne pas rond…

«En» silence

C’est là où le désir d’entrer en relation en silence devient très intéressant. Je dis bien entrer en communication «en» silence et non «par» le silence. Je crois que en et par sont deux marqueurs de relation complètement différents dans ce contexte de relation humaine. On peut essayer de communiquer par le silence et ne rien se dire, et on peut tout révéler à l’autre, ou comprendre l’autre, lorsqu’on se met dans un état de silence. «En» étant une préposition qui marque habituellement la position à l’intérieur d’un espace, d’un temps, d’un état. Être en silence peut nous faire dire ou entendre beaucoup de chose par le regard.

On vit une période de pandémie où il ne nous reste que ça à offrir; le regard. Le trois quart du visage caché par un masque, on vit nos vies d’un bureau à l’autre, d’une rangée d’épicerie au bon sens des flèches, d’un wagon de métro à moitié vide à la prochaine station en déambulant des regards au-dessus d’un rectangle de tissu fleuri, rayé, carreauté, picoté, étiré jusqu’aux oreilles. Avant, c’était facile de communiquer aux passants notre envie d’exister dans le monde par le sourire, mais là, il nous est donné le défi de se pratiquer à se parler, se rassurer, se dire qu’on n’est pas seul, se dire les uns aux autres, je te vois, je t’ai vu, je sais que tu existes, que tu comptes pour le monde, que tu as ta place, ta nécessité d’exister toi l’artiste, le propriétaire de bar, de resto, le musicien, le comédien, le chanteur, le serveur, l’hôtelier, et tous les autres que leur vie ne tienne qu’à un fil de ne plus se sentir utiles dans la société. Qui craignent l’incertitude d’un retour à la normale. Que le mot «normal» pour eux, pour elles, ravive trop de nostalgie. Et pour d’autres, trop de réclusions, de limites. Qu’on ne devrait plus jamais dire ce mot en «N», puisqu’il n’y a plus rien de normal, que c’est dépassé tout ça, que c’est trop restreignant, diminuant, contraignant.

Dire tous ces mots d’amour par le regard, en silence, n’ayant que nos battements de cils pour syntaxe et ponctuation….

Le café sul’poêle, je sais que je t’aime, toi qui me lit, viens, on va boire!

Transformer…

On a appris hier que Noël sera probablement «annulé» parce que ça ne va pas en s’améliorant, les cas de COVID, les hospitalisations pis les morts qui s’ajoutent à ça. Si tel est le cas, c’est vrai que c’est b’en maudit de ne pas pouvoir se rassembler autour d’une assiette pleine de pétates pilées, dinde farcie, gravy brun pis des p’tits pains fourrés en écoutant le minuit chrétien de Fernand Gignac, pour qu’ensuite on se fasse une p’tite game de Cranium ou de la dernière édition de l’Osti de jeu, rire, Ha!Ha! Boire un verre ou deux, pis finir par donner des cadeaux aux enfants qui les déballeront les uns après les autres, en vitesse, comme si c’était une chaine de production du bonheur de la consommation. Enwoueille, déballe tes cadeaux le kid, Noël, c’est pour les enfants, pis on va te montrer comme on t’aime en t’en donnant b’en plus qu’«UN» cadeau, pis des chers à part de ça, des consoles de jeux vidéo Xbox-Master-Trooper-Ultimate-Game-Pass-Gold-Live-Ps4-Commodor64, pis tu t’arrangeras avec tes troubles au retour des Fêtes, en classe, quand tu vas devoir expliquer à ton voisin de bureau qui lui a reçu une tuque, des mitaines pis un foulard tricotés par le Cercle des Fermières du Lac Drolet que le Peur Nouelle, y’a loadé sa carte de crédit su’ton cas, juste pour toué, pis qu’y’était trop pris à’gorge pour en donner pareil aux autres… Tout ça capté en mémoire au rythme des clics photos du cellulaire de ma’tante Karine pis mon’oncle Gilles sul’cloud de Google photo pour qu’un jour, quand tu croiras plus au Père Noël, tu les poursuivent en justice parce qu’ils auront publié ces photos-là sur leu’compte Instagram ou Facebook sans ton consentement…

Bon, je fais ma cynique parce que ça défoule, que ça m’amuse en buvant mon café ce matin, un peu déçue qu’on ne fêtera peut-être pas Noël, mais j’ai envie de prendre le temps, le temps d’une marche pour réfléchir à comment on pourrait transformer ce temps des Fêtes en quelque chose de positif, d’innovateur, de beau, malgré les circonstances. Je lis un livre ces jours-ci de Guillaume Dulude, Je suis un chercheur d’or: Les Mécanismes de la communication et des relations humaines. Le mec est neuropsychologue et anime l’émission Tribal, les jeudis soir. C’est notre nouveau rendez-vous télé à FJ et moi, on est scotché à l’écran fidèlement quand ça passe depuis trois semaines et c’est ô combien fascinant. L’animateur-chercheur débarque dans des tribus nomades, les dernières qui existent sur le globe semble-t-il et tente de tout simplement entrer en communication avec les membres de la tribu, parfois….. et c’est ce qui m’intrigue le plus, en «silence»!!!! J’ai des amis clowns thérapeutiques qui travaillent dans les hôpitaux pour enfants qui m’ont déjà expliqué que lorsqu’ils sont invités à rendre visite à un enfant malade, la première chose qu’ils doivent faire en entrant dans la chambre, c’est écouter le silence, ce qu’il a à dire, son énergie, son humeur, lire l’inquiétude dans les yeux des parents, la peur dans ceux de l’enfant et delà, en duo, démarrer une improvisation théâtrale qui saura transformer les couleurs de l’invisible……

Zut! J’ai tant à vous dire encore… Je dois aller réveiller la Charlotte et mon café est froid… À demain alors!

Calendrier de l’Avent, pis après

1er décembre aujourd’hui…

Comme les règles du quotidien changent de semaine en jour, d’heure en humeur, que nos vies rétrécissent, que nos activités se soustraient au compte des cas de COVID qui s’additionnent, que nos libertés se détendent dans des bains de «bulle», qu’il pleuve au lieu de neiger, que la magie de Noël sorte ses gros bras à coût de sets de lumières accrochés jusqu’à nos lacets de bottines pour nous remonter le moral, pour nous faire croire qu’on avance dans nos vies l’air lumineux, que notre capacité de partager, d’aider, de donner à ceux et celles qui sont dans le besoin, ça, ça change pas, que le concept qui sont dans le besoin lui, a changé, il englobe plus de monde cette année, un concept élargi, que c’est peut-être ton voisin, ta voisine, dans son beau condo, qui télétravaille en déprimant à un bon salaire, qui a le frigidaire b’en plein, de l’eau chaude, du chauffage, du linge, t’sais, qui a l’air de manquer de rien, mais qui aurait profondément besoin que tu ailles cogner à sa porte, en restant à deux mètres, loin de son entrée, sur sa galerie pis que tu lui demandes comment ça va, un vrai comment ça va, un qui te demande de faire une pause, le ou la regarder dans les yeux, l’écouter te répondre. Pis, je dis ça, ça peut aussi être ton marchand de légumes, le barista de ton café de quartier, le chauffeur d’autobus, t’sais, ceux et celles qui vivent en dehors de ta bulle… Faqu’euh… Comme c’est pas tout à fait pareil cette année, je vais changer les règles de mon engagement envers vous, mes chères lectrices et mes chers lecteurs, juste pour le mois décembre, je vais écrire et publier à tous les jours, comme un calendrier de l’Avent qui va continuer après Noël, pour se rendre jusqu’au Jour de l’An 2021. Tu me lis, tu me lis pas, c’est pas grave, moi, je m’impose… Non, tiens, je m’im«pause» d’écrire pour te demander à mon tour, comment ça va? Un vrai, un qui va t’écouter de mes yeux et que tes mots vont faire écho dans mes oreilles… Tous les jours, on se prendra notre Café en Bas de laine pour passer à travers ce qui reste de l’année 2020… Tu vas voir, y’a bien des choses qui ne changent pas… C’est p’t’être plate en tabarnak, mais on va toffer!

Bonne journée!

P.S. Quelqu’un chez vous a attrapé un Lutin en ce 1er décembre? Ou c’t’année, y sont toutes morts de la COVID?….. Maudit que ce serait plus simple….

Art éphémère

De quoi faire oublier l’été lorsque se pointe l’automne.

Il débarque à l’improviste dans l’atelier de nos vies monochromes, inaltérablement vertes d’été. Il sort sa palette de couleurs chaudes, ses pinceaux, enfile son tablier et couvre la toile du dehors de tout son savoir vivre. L’automne est un artiste peintre confiant sans être arrogant. Il sait que tout l’or du monde ne pourra jamais acheter ses œuvres. Sans avoir à transgresser le marché de l’art. Il peint des tableaux toujours plus beaux. Un don de soi. Un modèle d’abnégation. Il ne se demande pas pourquoi il crée. Quelle est sa démarche artistique? Ou son message? Qu’est-ce qu’il voulait dire par un ciel magenta à l’aube, des feuilles d’or qui dansent dans les arbres au coucher du soleil ou cette manie bien familière de nous donner des becs en pincette frettes sur les joues un bon matin, dehors, en sortant les poubelles. L’automne crée. C’est tout. Ce n’est pas compliqué. On a le droit de penser que toutes ces beautés sont exposées pour le pur plaisir du spectateur. Qu’il a accroché ses œuvres d’art éphémère partout sur les murs de notre décor pour nous plaire, parce que ça marche, parce que ça pousse à la consommation de sa nature, mais ce serait se donner beaucoup trop d’importance. Un égocentrisme surdimensionné quant à l’immensité substantielle de l’automne. Un «mystère» ajouterai-je. Des épousailles énigmatiques entre la vie et la mort dans un perpétuel cortège de poésie.

Et puis, il a du style l’automne. Un petit look classique, mais qui surprend à tout coup. Pourtant, on n’en est pas à notre premier aperçu de ce chapeau jaune qu’il porte comme un fascinator à la cime des arbres. Il le sort à chaque année. Un petit bijou. Jamais abîmé. C’est étonnant, depuis le temps. C’est souvent le premier article de la direction artistique de sa garde-robe qu’il sort des boules à mites. Je pense que c’est un statement. Une façon de dire qu’il est riche pour un artiste. Qu’il ne vit pas que de la bohème, que d’accrocher les chrysanthèmes jusque sous nos fenêtres et que groupé autour d’un chocolat chaud, on pourrait peut-être oublier la venue de l’hiver… Il pavane sa fortune derrière une voilette de tulle tissée de pistils de safran sur sa coiffure de feuille de vigne. L’Yves St-Laurent d’un tapis rouge vivant de feuilles mortes.

N’est-ce pas là le secret d’un amour durable? Savoir encore et toujours se surprendre?

L’automne est une ronde annuelle. Tout de lui devient si délicieux. Même les bouquets de feuilles prennent des airs de barbe à papa sur un bâton. Un nuage de sucre au goût d’orange, de citron, de grenadine. On s’adonne parfois au tree hugging par gourmandise simplement pour en manger des yeux.

Et cette façon qu’il a de nous inviter en tête à tête avec le jour aux lumières tamisées. La vie cadrée d’enluminures. Un dehors riche et chaleureux. L’éclairage naturel d’un filtre Instagram. Même la pluie et ses cinquante nuances de gris a du charme. On lui pardonne à l’automne, son avarice des jours qui raccourcissent. On sait qu’il ne reste jamais bien longtemps. Il est pressé de rester. Il est comme un père absent. L’automne nous couvre de cadeaux lors d’une courte visite pour compenser son manque de présence. Puis il repart ailleurs, faire mourir de beauté, ses maîtresses d’été.

De toute façon l’hiver est beaucoup trop imposant. Beaucoup plus déterminé. L’automne ne fait pas le poids lorsque l’hiver est arrivé. Il peut bien nous prendre quelques minutes de clarté. La noirceur apporte aussi ces instants de bonheur. Ses balades qu’on prend le soir, après le souper, pour digérer au bras de notre amour pendant que notre fille s’invente des jeux de cachette, des sauts, des danses dans un tas de feuilles. Les rires et les discussions se dissolvent sur un fond sonore plus silencieux, plus tranquille, dans les rues qui étaient animées les jours d’été, mais qui ne le sont plus. Les gens sont rentrés. S’enfermer.

Notre manteau qu’on sort du garde-robe et qui sent le dernier jour du printemps où il avait fait soleil et qu’on avait accroché un chapelet de vêtements sur la corde à linge. Un mélange d’envie de vivre, de sortir et de lavande.

La nuit qui fait sa fraîche et qu’on laisse quand même entrée dans notre chambre en ouvrant un peu la fenêtre pour mieux dormir. Qui se sauve le matin. Qui file en tenant dans ses mains les jupons de sa grosse robe noire gonflée de nos rêves, de nos insomnies, gênée se s’être endormie au chaud dans nos draps de flanelle et qui laisse derrière elle, des milliers de perles de rosée comme des pantoufles de verre sur les marches de l’escalier.

On ne s’habitue pas à son incontournable beauté. L’automne a ce parfum d’épices. Un sillage qu’il laisse sans vergogne flotter au dessus des trottoirs nappés de pétales de feuilles. Des notes de citrouille, de muscade, de cannelle déposées sur un coussin de plumes. Un polochon éventré, étendu par terre. Comme si l’automne avait perdu contre l’hiver, une bataille d’oreiller. On assiste un peu plus chaque jour, à sa défaite. Un rembourrage au plumage de cardinal, de paruline, de merle d’Amérique tombe au ralenti sur les trottoirs.

L’hiver over stay his welcome comme dirait le printemps, mais on n’en est pas là.

Faut d’abord changer l’heure, fermer la cour, racler les feuilles, ranger les meubles du balcon, descendre le BBQ, faire tes conserves, tes confitures, ton ketchup, couper les dernières tiges de fines herbes de tes pots de terre, serrer les décorations d’Halloween, gérer la consommation de bonbons, partir le chauffage, allumer une chandelle parfumée au sapin baumier pour camoufler l’odeur de poussière brûlée du calorifère qu’on vient de réveiller, calfeutrer les fenêtres, changer les pneus d’été pour les pneus d’hiver, dissimuler les trappes à souris dans l’fond du garde-manger parce qu’elles ont rien compris aux mesures sanitaires de la santé publique, et qu’elles s’y sont rassemblées, les maudites, pis à moins de deux mètres de distances à part de ça, pour grignoter le coin de mes sacs de farine d’épeautre, installer le tapis de jute dans l’escalier, laver les manteaux, les tuques, les foulards, pairer les mitaines, polir et graisser les bottes d’hiver d’huile de vison, rêver qu’un jour je planterai moi aussi des bulbes de tulipes jaunes dans le rectangle de terre à côté du trottoir, en face de chez nous, remplacer les draps de coton pour des draps de flanelle, faire un bouillie comme ta mère le faisait pis sa mère avant elle; cube de rôti de palette de boeuf, lard salé, carottes, chou, navet, oignions, haricots deux couleurs, v’là la recette du bonheur!, accrocher tes lumières de Noël avant qu’il fasse trop frette et que les doigts te gèlent, prendre un café et écrire un premier roman.

Écrire souvent.

Tous les jours.

Seule, dans mon petit bureau.

Un tableau de fenêtre qui donne sur le parc Molson.

Pendant que le regardant est regardé en souriant dans la galerie de vie de l’automne.

Un amour d’été

Et puis le confinement s’est essoufflé à mesure que je prenais mon erre d’aller, aspirée par la littérature. J’atteignais une vitesse de croisière aussi soutenue que les ailes de l’aigle. Un vol haut en émotions. Décollage compendieux et accrocheur. Turbulence incontournable au passage des récits des auteurs, des autrices qui se vident les poches d’air manqué, manquant par la colère, l’amour, la rage, la révolte. Atterrissage sur un point final avant l’épilogue, les remerciements, la liste du même auteur, la date du Dépôt légal, le numéro d’ISBN. Le regret d’éteindre les moteurs de ma curiosité sous la quatrième de couverture. Placer le livre dans la rangée «lu» sur l’étagère de ma bibliothèque avant d’en prendre un autre. Lire partout et tout le temps. En me levant, à l’aube. Avant le chant des oiseaux. Presqu’en même temps que la dernière plainte de la cigale juste au moment où elle s’apprête à cogner à la porte de la fourmi, sa voisine, et qu’elle se mette à danser. Lire tard dans la nuit. Lire pour sortir de l’insomnie qui fonce tout droit dans les réacteurs de mes rêves boulimiques. Éveillés. Endormis. Qui se nourrissent excessivement d’histoires d’amour de toutes sortes, de tous les visages, de façon répétitive et durable. Lire en déjeunant devant les ondulations sensuelles de la fumée de mon café. Ouvrir un livre au hasard aux toilettes, dans le bain, au lit. Avant, après avoir fait l’amour. Tournée les pages au rythme de ma respiration. Haletante. Saccadée. Parfois interrompue.

Des autrices. Des auteurs. Un langage littéraire. Cadré. Propre. Des parlures contemporaines. Idiolecte de la rue. Des quartiers pauvres de Montréal. Des communautés ravagées du nord. Loin. Qui Cris. Des paroles Innu’sitées. Des langues qui ne veulent pas mourir et qu’on a transcrites à l’encre noir sur fond de peau rouge pour ne pas les oublier. Du sang. Des larmes. Des coups. Des quêtes. Des amitiés. Des mères à qui on ne veut pas ressembler. Des pères manquants, manqués. Des ruptures. Des forêts sauvages. Des familles défaites. Des pays lointains. Des légendes. Des baisers…

Et cette sorte de nitescence dans le silence de mes lectures. L’oracle du message reçu. Me revient cette vieille chanson de Jean Lapointe. C’est dans les chansons qu’on apprend la vie. C’est surtout dans les livres. C’est dans les livres qu’on apprend à vivre, vivre avec les leçons de vie des autres. Un écho de leur coeur. Un acouphène qui bourdonne à chaque instant les bouts d’histoire qu’on raconte pour ne pas qu’elle se répète.

Puis, l’hiver est parti, le printemps a vite passé et l’été s’est installé. Il était attirant. Entreprenant. Ses intentions étaient claires. Me divertir. Me dérouter. Me tirer hors de mes livres.

Je l’ai rejoint une première fois sur l’herbe, couchée sur une épaisse couverture fleurie jaune pour lui lire les pages de mes romans. À voix haute. Ça l’allumait. Ça l’enflammait. Il devenait de plus en plus chaud. Humide. Invitant. On s’est épris l’un de l’autre. Des amoureux de passages.

Soumise à sa chaleur, j’allais le retrouver au parc avec en main, un nouveau roman. «Lis» m’ordonnait-il. Alors je m’alitais, nue sous le coton de ma robe, le livre écarté et je lisais. Nous faisions ainsi l’amour des jours entiers de canicule. Furtivement. Son corps éthéré sur le mien. Son souffle entre mes cuisses. Des perles de sueur sur mes tempes assouvies, pleines d’un roman lu de plus.

Il m’avouait ne pas avoir d’histoire. Que l’«été» est un participe trop vite passé. Que c’était bon d’exister dans un lieu qui reste, comme dans les livres, parce que les écrits restent et que les étés qu’on y décrit le prolongent un peu plus longtemps.

Il a pleuré quelques fois. Des gouttes de pluie ou de plaisir. Un fluide ni salé, ni sucré qu’avalaient les pages de mes livres ouverts. Offertes. Exhibées à la romance des gondoles.

Il lui est arrivé d’être pressé de connaître la fin de l’histoire. Il faisait tourner les pages d’un coup de vent. Je le laissais à son impatience, s’amuser à éventrer mes livres, fabriquer des éventails de papier. Qu’à cela ne tienne. Il dépendait de moi, de ma voix pour jouir de ces lectures. Alors il se ressaisissait. M’offrait un jour plus doux, dans les normales de saison. Et nous recommencions.

Je le sentais anxieux de l’arrivée imminente de l’automne et de la rentrée. Mes études allaient me ramener à l’ordre. Mes engagements. Mes devoirs. Mes obligations. Fini L’art de ne presque rien faire en lisant auprès de mon amant. Mon amour d’été. J’allais le quitter d’un jour plus frais d’automne à l’autre.

J’ai essayé d’entretenir la flamme de ce que nous avions été, mais… Le charme de l’automne à tôt fait de me séduire. Je me suis abrillée. D’un gros duvet de plume. Des bas de laine. Des manchons. Et un foulard. L’automne comme à son habitude, se pavanait comme un paon radieux de mille feux. Coloré. Flamboyant. Un panache à faire rougir les feuilles des arbres en une nuit d’amour.

Cocu, l’été m’en a voulu. Il est parti sans un au revoir. Quand il reviendra? Ça reste à voir. Et depuis, c’est bizarre, j’ai des copies manquantes sur l’étagère de ma bibliothèque, dans la rangée des livres lus…

La dernière de tes allumettes avant de mourir

Il est là le problème. Je me cherchais des amis. Pire. Je me cherchais une famille.

J’avais connu une «famille» au sein du Club des petits déjeuners du Canada au cours des dix années qui précédaient mon entrée à ruelle de l’avenir. Les temps ont bien changé, y’a eu du roulement au Club, ce n’est plus du tout ce que c’était, d’autres vous en parleraient, mais à l’époque, j’avais trouvé une famille de monde de coeur qui s’roulait les manches en gang pour nourrir de toutes les façons qui soient, beau temps mauvais temps, le coeur, le corps et l’âme de nos enfants. Du monde avec qui je m’alliais à «ma» cause. Qui se prenait pour un beau village qui élève les enfants. Qui tartinait épais les tranches de pain servies à l’école de beurrées de reconnaissance, d’attention, d’écoute, de sourire, de présence… Un goût de croire en soi, à demain. Un appétit pour tout ce qui est possible.

Fini ce temps-là. À’c’t’heure c’est des boîtes à lunch servies dans des sacs en papier brun avec b’en, b’en du packaging empilées dans des caisses de lait distribuées dans les classes, libre service.

Une famille qui me valorisait sans bon sens pour tout ce que j’étais. Même pour mon exubérance! Un enivrement. Le président-fondateur du Club me répétait souvent que du monde comme toi, Cathia, ça s’trouve pas à l’université. Juste le fait qu’il se souvienne de mon nom me laissait présumer que je faisais une grande différence dans son quotidien. Ça m’a probablement monté à la tête. Au coeur aussi. Allant jusqu’à me croire immuable auprès de l’organisme.

J’ai pogné un noeud lorsque j’ai annoncé à mes patrons qu’en famille, nous avions décidé de vivre un an à Paris de juin 2016 à juin 2017. J’étais entrée dans l’bureau de la directrice générale l’air déterminé et assurée d’obtenir faveur à ma demande de permission d’une année sans solde. Comme un genre de congé de maternité mais au lieu de m’occuper d’un bébé, j’allais prendre soin d’un rêve. Le voir grandir aussi haut que la Tour Eiffel. Faire ses premiers pas dans les rues dentelées de balcons fleuris. Lui donner le boire aux deux heures à des cafés-terrasses-spectacles. Avaler des gorgées de beau monde qui passe. Lui apprendre la musique des talons hauts des femmes qui claquent sur les trottoirs pavés. L’habiller d’élégance et du savoir-bien-paraître étudié que seules savent faire les Françaises. Le nourrir à la petite cuillère de bon vin rouge, de fromage pas cher, de saucisson sec et de champagne aux apéros. Lui donner les mots pour chaque chose. Le bercer de culture. L’emmailloter de beauté de la couverture des toits de Paris. Et surtout, surtout… L’aider à grimper sur les modules de son histoire dans le grand terrain de jeu de l’écriture. Parce que j’allais avoir enfin, le temps d’écrire.

Je promettais de revenir puisque mon intention n’était pas de partir pour de bon ou me chercher un nouvel emploi, mais de suivre ma famille dans ce beau projet de vie.

B’en là, ça va créer un précédent si on t’laisse faire ça, qu’on m’a répondu.

Un précédent?! – «Précédent»: nom masculin, qui signifie un fait antérieur qui permet de comprendre un fait analogue ; décision, manière d’agir dont on peut s’autoriser ensuite dans un cas semblable.

Ouais. C’est vrai que pour un employeur, c’est pas vendeur d’avoir à me remplacer pour un an, à former quelqu’un pour faire la job aussi bien que j’la faisais, pis toute, pis toute, pis qu’en plus, qu’il prenne le risque de m’autoriser une autre année sans solde dans un cas semblable…

Faqu’euh, sentant qu’on ne me retenait pas pantoute, j’ai offert de continuer à travailler à distance pour assurer la direction des Camps de leadership, ce que je faisais déjà à partir de mon bureau de Boucherville, tu’seule dans mon département et que, à l’approche des camps, j’allais revenir à Montréal pour assurer l’animation, l’accueil des participants, la coordination de l’équipe, la programmation, etc. Même là, je me revoyais à mes 19 ans en train d’annoncer à ma mère que je quittais la maison pour aller étudier en radiodiffusion à la Cité Collégiale à Ottawa. Elle m’a regardée le sourire en courbe décroissante d’enfant de Vision Mondiale sous-alimenté en me disant: «Tu veux partir d’icitte ma fille?!… B’en tu vas t’débrouiller tu’seule». Chus partie. J’me suis débrouillée. Avec mes 90 livres de restes de peau et d’os mêlés à des cannes de soupe aux lentilles pis des tranches moelleuses de pain blanc beurré de beurre salé, je suis revenue lui rendre visite à Noël de cette année-là, le sourire en quartier de lune, des étoiles plein les yeux, l’air de dire: «Kin’toué, t’as vu, chus toujours deboute même quand la nuit s’étire sur mes jours à m’débrouiller tu’seule à tenir mes rêves comme une bougie de sécurité que t’allumes dans ton char en pleine tempête de neige. Instinct de survie. Comme si c’était la dernière allumette de la pauvre petite fille du conte d’Andersen qui juste avant de mourir de frette, voit défiler un festin de dinde, tourtière, p’tits pains fourrés à’viande hachée, oignons, cannelle et clou de girofle… Mes rêves m’alimentaient. Pis je les tenais bien serrés comme un lampadaire dans un fond de ruelle louche. Parce que la vie c’est un peu comme une ruelle louche; tu t’y aventures d’abord, b’en confiante en te disant qu’en toi se trouvent toutes les réponses à tes questions, que t’es outillée, que t’as tout c’qui faut pour réussir jusqu’à ce que t’entendes des p’tits craquements ici et là dans l’noir pas rassurant de la seconde qui viendra ou viendra pas de ta vie, pis que la peur te pogne, que ton coeur se met à spiner à la vitesse d’un cycle d’essorage pis que toute ta raison, tes principes, ta lucidité se tordent de probabilités qui se ramassent collés aux parois des palissades qui longent les deux côtés de la ruelle. Parce que ta ruelle de vie louche s’arrête toujours à la limite des palissades où commence la ruelle de vie louche de tes voisins. Y’en n’a pas de liberté les amis! On devrait retirer c’te maudit mot-là du vocabulaire. Ça ferait moins d’chicane. Faire plus de place aux mots collectivité, égalité, jovialité, spiritualité… On a rien’qu’un peu de pouvoir de choisir même quand on n’a pas l’choix. Choisir de comment on va traverser la ruelle louche de nos vies.

En dansant? En chantant? En s’aimant? En s’aidant? En courant? En rampant?

Pis une fois que t’as choisi. Les jeux sont faits. Rien ne va plus. Tu as choisi de miser sur la préciosité de tes rêves comme une bougie de sécurité dans ton char un soir de tempête ou comme la dernière allumette avant de mourir de frette pour t’éclairer le chemin et te rendre compte que les p’tits craquements pas rassurant que t’entendais en marchant n’étaient rien d’autre que ton imagination obèse morbide qui venait de s’assoir sur le rebord des palissades pour te regarder passer ta vie. C’est là que tu t’trouves b’en niaiseuse d’avoir passé tout c’te temps-là à imaginer ta vie au lieu de la vivre…

Ceci dit, mes bosss ont ajouté: «Écoute, on t’aime bin, mais on peut pas rien t’signer sur papier… Reviens dans un an, on veut pas t’perdre parce qu’on t’aime t’sais…» Je suis partie rassurée en m’disant que j’avais pas besoin de m’inquiéter de chercher ailleurs, c’est là que je voulais travailler pis on m’attendrait.

Je suis revenue au bout d’un an, j’ai tenu mon engagement.

Bon, vu qu’t’es partie, t’as tout perdu… Tes 10 ans d’ancienneté, tes vacances, tes bénéfices, tes assurances, tout!, que mes bosss ont glissé entre un Pis?? Comment c’était la vie à Paris? et un En tout cas tes photos de voyage sont tellement belles!

Les orteils me crispaient sous la table du resto dans l’fond de mes beaux souliers golden de Paris.

On t’offre un contrat d’animation des quatre Camps de leadership de l’année du Club qui commenceraient en mars…

Si j’avais eu des ongles, je les aurais enfoncés dans le vieux bois verni de la table. Et puis, pourquoi l’emploi du conditionnel présent à la troisième personne du pluriel pour parler des camps? Est-ce qu’ils commenceront dans un futur simple rapproché ou ils commenceraient conditionnellement à si on a le soutien financier de nos partenaires?

  • Oui mais, on est le 17 juillet, qu’est-ce que je fais d’ici mars de l’année prochaine?, que j’ai réussi à répondre la gorge fendue comme la terre sèche du désert d’Atacama.
  • B’en c’est l’occasion rêvée pour toi de faire des p’tits contrats ailleurs, être ton propre produit, ta propre entreprise, disaient-elles aussi enthousiastes que des vendeuses de plats Tupperware.

Devenir un produit pour emporter comme l’ensemble à salade bleu paon en vente-éclair jusqu’à épuisement des stocks!?? Fuck you. No way! Un petit contenant unique et idéal pour la maison ou pour emporter. En plus d’être un plat de service pour vendre ma salade, je serais parfaite pour l’entreposage au frais de l’oubli des jours où mon produit se vend pas. Se vend plus. Toutes les dix années de vie passées au Club peuvent s’emboîter d’un coup pour offrir une commodité exceptionnelle qui coûte pas cher, pas cher à l’employeur. Être mon propre produit. La Tupper Mignonnette qui s’emboîte astucieusement le coeur sous le couvercle étanche du silence.

Pis pourquoi vous ne me l’avez pas dit lorsque je vous demandais six mois plus tôt, en janvier, ce qui m’attendait à mon retour? Je vous écrivais, je vous le demandais!? Vous me traitiez à la «blague» pour faire gentille, d’angoissée, d’insécure…? Hein!? Pourquoi pas me l’avoir dit?… J’me s’rais r’virée d’bord…

C’est à prendre ou à laisser ça l’air.

C’est là que dans un pas l’choix il me restait un peu de pouvoir de choisir.

J’veux pas me vendre, je veux me donner!

Je suis revenue à la maison et j’ai écrit ma lettre de démission définitive au Club des petits déjeuners.

Trois mois plus tard, après quelques entrevues et deux trois déceptions, j’ai demandé à une amie si elle connaissait quelqu’un, quelque part qui avait besoin d’une employée qui souhaite aimer et aider le monde à devenir meilleur… Pensant qu’elle ne me prendrait pas au sérieux, trois jours après, je rejoignais l’équipe de ruelle de l’avenir.

Je suis entrée en fonction en octobre 2017 à titre d’Agente communautaire et coordonnatrice du Camp de leadership qui était d’abord à développer pour en faire une offre de service en vue de la programmation estivale de l’année suivante.

J’étais tellement heureuse d’avoir retrouvé d’anciennes collègues du Club qui travaillaient désormais à ruelle de l’avenir. Pas n’importe lesquelles, des filles du temps où j’avais une «famille» de monde qui voulait comme moi, changer le monde, dont la directrice générale qui m’avait engagée onze ans auparavant, au Club, et qui était désormais en tête de la direction de ruelle.

La mission de l’organisme qui est de transmettre la connaissance par la passion ne sonne probablement pas la cloche qui réveille toutes les Mères Teresa du Centre-sud de Montréal qui veulent sauver le monde. L’urgence d’éveiller une passion se fait sur le long terme. Et à ruelle, c’est une force! On le fait bien.

Mettons que dans mon cas, je suis rentrée au poste en pensant fougueusement que mon atelier de Cuisine du Monde du volet communautaire allait servir à nourrir les huit refuges d’urgence des sans-abris et des junkies de la rue Ontario. Le pire, c’est que j’ai pensé qu’on pensait TOUS comme moi…

Quelle vive leçon d’humilité!

C’est clair qu’on a dû rire de moi dans mon dos, que j’ai dû taper sué’nerfs de mes collègues, mais l’ignorance intentionnelle du vieux garçon aigri, ça… euh… Non! J’la comprends pas.

Y’a fallu que j’aie un petit coup de main de notre travailleur social Jocelyn, pour nommer que ma dissension sociale au travail prenait trop de place dans mon coeur, mais ça, ce sera dit parmi les cocasseries d’un autre billet.

Les jours confinés depuis la mi-mars passaient à faire du pain, du ménage, des semis pour un éventuel jardin de balcon, des gâteaux, des nouvelles recettes, des devoirs à la maison et des lectures… Ah! Des lectures!

Puis, lors d’une première rencontre d’équipe ZOOM en mai dernier, où personne ne se demandait comment on allait, la DG nous a partagé la nouvelle structure de notre offre de service auprès des enfants à distance… Ça m’a tuée. Ça y’est. S’il ne me reste plus les enfants, il ne me reste plus rien.

Pas l’choix. C’est d’même pour le moment.

Une lettre de l’UQAM est arrivée.

Maîtrise en Études littéraires… Admise à la propédeutique… Temps partiel…

Rien n’empêche un temps plein?

C’est là que dans un pas l’choix il me restait un peu de pouvoir de choisir.

J’ai écrit ma lettre de démission à la demande de ma boss, effective le jour même et j’ai quitté ruelle de l’avenir.